Par : Isaac Patroulis Lessig
En janvier, le ministère américain de la sécurité intérieure (DHS) a introduit de nouvelles lignes directrices visant à protéger les travailleurs migrants « qui subissent ou sont témoins de violations des droits civils ou du travail sur le lieu de travail » contre l’expulsion ou la perte de leur statut professionnel. Cette mesure de protection marque une étape positive vers l’autonomisation des travailleurs migrants dans le pays et devrait être considérée comme une victoire pour les travailleurs du monde entier.
Des protections similaires pour les travailleurs immigrés sont nécessaires de toute urgence au Québec et dans le reste du Canada. En 2022, un nombre record de 38 505 ressortissants étrangers sont arrivés au Québec dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET). Ce chiffre reflète la dépendance croissante de la province à l’égard de la main-d’œuvre dite temporaire. Pourtant, les travailleurs immigrés continuent de se voir refuser les protections fondamentales en matière de travail et l’accès aux services sociaux accordés aux résidents permanents.
Pour des milliers de travailleurs temporaires et de demandeurs d’asile au Canada, le maintien du statut juridique dépend de la conservation d’un emploi auprès d’un employeur spécifique. Il existe peu de voies d’accès à la résidence permanente, et les immigrants qui choisissent de rester dans le pays après l’expiration de leur autorisation de travail risquent de devenir des sans-papiers. Par conséquent, de nombreux travailleurs immigrés refusent de dénoncer les abus sur le lieu de travail par crainte d’être licenciés ou expulsés, voire les deux.
Cette situation fait pencher la balance du pouvoir du côté des employeurs individuels et des agences de placement temporaire qui profitent de l’insécurité légalisée des travailleurs immigrés. Les violations du droit du travail sont devenues nombreuses en l’absence de moyens de recours légaux.
Une enquête menée en 2021 par la Commission sur le travail dans les entrepôts de Montréal a révélé qu’un pourcentage élevé de travailleurs immigrés étaient victimes d’abus sur leur lieu de travail. Ces abus étaient non seulement fréquents mais aussi très variés, allant du vol de salaire à l’absence de congés de maladie et de vacances obligatoires, en passant par le traitement discriminatoire, sans oublier les conditions de sécurité inadéquates auxquelles les travailleurs sont régulièrement confrontés.
Alors que le nombre de travailleurs étrangers temporaires dans la province a explosé, les conditions de sécurité sur le lieu de travail ont glissé dans l’autre sens. Alors qu’en 2019, 154 accidents du travail impliquant des travailleurs immigrés ont été officiellement signalés au Québec, ce chiffre est passé à 362 en 2022. Le nombre de désertions de travailleurs agricoles temporaires sur le lieu de travail – une réponse rationnelle à une mauvaise rémunération ou à un traitement sans soutien institutionnel – a également augmenté, passant de 276 en 2021 à 484 en 2022.
En mars, la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec (CNESST) a annoncé qu’elle augmenterait le nombre d’agents de son équipe de prévention de 10 à 22. L’équipe de prévention de la CNESST, qui a pour mission d’informer les travailleurs sur le droit du travail et les mesures de protection, ne se rend actuellement sur les lieux de travail qu’à l’invitation de l’employeur.
Selon les nouvelles directives du DHS, les travailleurs ayant un statut légal temporaire ou sans papiers aux États-Unis peuvent signaler des abus sur le lieu de travail sans avoir à craindre leur employeur ou les services d’immigration. Les travailleurs immigrés au Québec ont besoin des mêmes protections de base. Il ne s’agit pas d’un palliatif, mais d’une première étape vers la régularisation de tous les travailleurs de la province et d’ailleurs.
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