Par Carole Yerochewski
Dans une entrevue à CBC et Reuters, Marc Miller a annoncé en plein milieu de l’été, lorsqu’il est difficile de mobiliser largement pour protester, une nouvelle affligeante?: le gouvernement libéral recule devant la montée des discours anti-immigrants et devrait examiner un programme de régularisation a minima, qui ne concernera que les travailleurs et travailleuses des secteurs de la santé et de la construction.
Encore faut-il attendre le projet qui sera déposé par Marc Miller au Conseil des ministres pour connaître comment sont définis ces secteurs d’activité, si, par exemple, le travail de soin aux domiciles des particuliers est inclus – ce qui est le cas quand on travaille pour le secteur parapublic de la Santé et des services sociaux et que l’on se rend à domicile. On verra aussi comment sont délimités les travailleurs et travailleuses éligibles?: par exemple, faudra-t-il amener des preuves délivrées par un employeur ? Ou une auto-attestation suffira-t-elle ?
Bien des choses restent dans l’inconnu. Il serait quand même question que ces travailleuses et travailleurs aient accès à la résidence permanente – il est vrai que les pénuries de main d’œuvre dans ces secteurs sont là pour durer et que c’est l’un des principaux motifs pour y lancer un programme de régularisation, hélas, au lieu de s’engager dans la voie du respect des droits fondamentaux des personnes vivant au Canada, comme ce pays en a le devoir en regard des lois et conventions internationales.
Dans une lettre ouverte adressée à Justin Trudeau et à son ministre de l’Immigration Marc Miller, et publiée dans Le Devoir et les sept quotidiens régionaux de la Coop de l’info le 8 mai 2024, la Campagne québécoise pour la régularisation des personnes sans statut migratoire rappelait que l’objectif d’un programme de régularisation «?ne peut se réduire à combler à court-terme des pénuries de main-d’œuvre. Il s’agit de mettre sans délai un terme aux conditions de misère, de harcèlement et de surexploitation dans lesquelles se débattent nombre de personnes sans papiers. Le programme doit assurer une vie décente à ces centaines de milliers de personnes qui sont intégrées à la société et qui aspirent à y contribuer pleinement à titre de citoyennes et de citoyens libres d’exercer leurs droits?».
Et lors de la conférence de presse qui s’est tenue le 25 mai 2024, quelques jours avant ce désastreux Conseil des ministres fédéraux qui a vu une partie d’entre eux refuser un programme de régularisation complet et inclusif, Imene, du comité des femmes du CTTI, soulignait?: «? Ne pas régulariser ces personnes qui ont perdu leur statut le plus souvent à cause des failles des politiques d’immigration, ou trier parmi elles celles qui seront régularisées, ne fera que les enfoncer encore plus profondément dans la peur et les abus. Nous ne pouvons le tolérer?».
Même s’il n’est pas envisageable de refuser purement et simplement le programme restreint qui risque d’être proposé, il est clair que notre mobilisation va continuer, avec tous les nombreux alliés que cette campagne pour les droits des personnes migrantes et immigrantes continue de rassembler très largement. C’est d’autant plus nécessaire qu’il s’agit aussi de s’opposer à la montée du racisme et de la xénophobie et des discours faisant des demandeuses et demandeurs d’asile et des travailleurs et travailleuses temporaires les boucs-émissaires de la crise de l’accès au logement social et abordable, et à des services publics de qualité. À peine deux ans après la fin de la pandémie, les personnes migrantes et immigrantes sont montrées du doigt alors que loin d’être les facteurs d’une crise quelconque, elles font partie des principales victimes et sont toujours aussi «?essentielles?» pour faire tourner ces services et nombre de secteurs d’activité. Nous avons raison d’être en colère !
Prochain rendez-vous le 14 septembre lors du week-end de mobilisation organisé par le FRAPRU pour dénoncer la confusion faite entre crise du logement et immigration. Tout au long de l’automne, nous mènerons une large campagne de sensibilisation et de mobilisation pour élargir le projet de programme de régularisation qui devrait être annoncé et pour combattre le racisme et la xénophobie sous toutes leurs formes. Et surtout, pour faire valoir que les droits des personnes migrantes et immigrantes ne sont pas négociables dans une société de justice sociale?!
Restez à l’affût, d’autres initiatives seront prises et communiquées.
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