Mercredi, les travailleurs d’Amazon et leurs partisans se sont rassemblés devant le ministère du Travail du Québec dans une puissante manifestation de solidarité, exigeant que le gouvernement provincial intervienne après que l’entreprise a annoncé la fermeture soudaine de ses sept entrepôts dans la province. Ces fermetures, qui incluent la seule installation syndiquée d’Amazon au Canada, ont laissé des milliers de travailleurs sans emploi et ont suscité l’indignation des défenseurs des droits des travailleurs et des législateurs.
DEMANDES DES TRAVAILLEURS.EUSES D’AMAZON
[Tel qu’adopté lors des assemblées d’urgence des travailleurs sur les fermetures d’entrepôts – 26 janvier & 2 février @ le Centre des travailleurs et travailleuses immigrant·e·s (IWC-CTI)]
Nous, travailleurs d’Amazon, appelons les Premier ministre du Canada, le Premier ministre du Québec, le ministre canadien de l’Industrie M. Champagne, le ministre québécois du Travail M. Boulet, ainsi que tous les représentants élus à agir immédiatement pour assurer justice aux travailleurs.
Nous appelons à la solidarité des syndicats et de l’ensemble des travailleurs du Québec et du Canada dans cette lutte des employés d’Amazon contre une entreprise qui s’attaque aux normes de travail durement gagnées par les générations précédentes.
Nos revendications :
- Renversement des fermetures des entrepôts d’Amazon—maintenir les emplois au Québec. Sinon
- Reconnaissance de tous les travailleurs d’Amazon, y compris les chauffeurs, en tant qu’employés directs d’Amazon par la CNESST, et le respect de leurs droits lié au licenciement collectif.
- Une année de compensation avec avantages sociaux pour tout les travailleurs licenciés depuis Janvier 2025, quel que soit leur statut (badge blanc, badge bleu ou sous-traitant).
- Fin à tous les contrats gouvernementaux avec Amazon, qu’il s’agisse des accords d’achat ou des services AWS (Amazon Web Services).
- Récupérer l’argent des contribuables—Amazon doit rembourser toutes les subventions et aides publiques reçues depuis son implantation au Québec.
- Renforcer les lois du travail pour empêcher les entreprises d’utiliser des fermetures et la sous-traitance comme moyen de réprimer les travailleurs et de leur retirer leurs droits fondamentaux.
- Nous appelons aussi au boycott des produit d’Amazon
CONTEXTE
Le licenciement massif de plus de 4 500 travailleurs par Amazon n’est pas seulement une attaque contre ceux qui perdent leur emploi, c’est une attaque contre les droits, la dignité et le futur de tous les travailleurs. Il s’agit de l’un des plus grands licenciements collectifs permanents par une seule entreprise au Québec au cours des 50 dernières années et plus. Cela crée un précédent dangereux, car Amazon n’est ni en difficulté financière ni en train de quitter réellement le Québec.
Cette vague de licenciements est d’autant plus révoltante quand on se rappelle que les travailleurs d’Amazon étaient considérés comme ‘’essentiels’’ pendant la pandémie. Qu’ils ont mis leur santé en jeu pour que les opérations d’Amazon au Québec continuent de tourner, tandis que l’entreprise réalisait des profits records. Aujourd’hui, Amazon se débarrasse de nous comme si on était des objets jetables, sans aucune considération pour notre bien-être ou notre avenir.
Ces 4 500 travailleurs vont maintenant chercher un emploi en même temps dans la région de Montréal, où le taux de chômage est déjà de 6,7 % et devrait continuer à augmenter. En parallèle, jusqu’à 100 000 personnes au Québec pourraient perdre leur emploi à cause des tarifs douaniers, selon le Premier ministre François Legault. Les perspectives économiques sont sombres, pourtant Amazon n’a offert aux travailleurs que le strict minimum exigé par la loi—aucun réel soutien, aucun plan de transition, aucune indemnité de départ en dehors de ce que la loi impose.
La loi sur les licenciements collectifs repose sur le principe que plus le nombre de travailleurs licenciés en même temps est élevé, plus la pression sur le marché de l’emploi et les services sociaux est forte. Pour atténuer cet impact, la loi prévoit que lorsque 300 travailleurs ou plus sont licenciés simultanément, ils doivent recevoir 16 semaines de compensation (ou de préavis)—leur donnant ainsi un délai suffisant pour retrouver un emploi sans saturer le système.
Mais ici, nous parlons de plus de 4 500 travailleurs—tous dans la région de Montréal—cherchant un emploi en même temps, dans un contexte économique déjà difficile.Cela représente 15 fois le seuil maximal prévu par la loi, et pourtant, le même plafond de compensation obsolète s’applique. À mesure que les entreprises grandissent et que les licenciements massifs deviennent plus fréquents et plus importants, la loi doit être mise à jour afin d’augmenter le nombre de semaines de compensation (ou de préavis) pour ces licenciements de grande envergure, garantissant ainsi une protection adéquate aux travailleurs.
Les travailleurs se posent une question légitime : Pourquoi Amazon ferme-t-il ses entrepôts s’il ne quitte pas le Québec ? Certains demandent même une enquête gouvernementale sur les raisons de cette fermeture. Amazon est l’une des entreprises les plus riches du monde, avec des ressources financières colossales à sa disposition. Pourtant, au lieu de négocier avec les travailleurs ou d’investir dans de meilleures conditions, elle les abandonne sans rendre de comptes.
Amazon prétend que les travailleurs peuvent postuler dans ses entrepôts dans d’autres provinces, mais refuse d’offrir toute aide financière pour la relocalisation ou tout autre soutien significatif. Pour la majorité des travailleurs, cela rend tout transfert impossible, les laissant sans aucune réelle alternative.
Nous ne demandons rien d’extraordinaire—nous réclamons simplement le soutien de la classe politique du Québec et du Canada pour que les travailleurs aient le temps et les moyens de se repositionner sur le marché du travail. Ce licenciement ne concerne pas seulement les employés d’Amazon; il va aussi accentuer la pression sur les services sociaux, les programmes de soutien aux sans emplois et l’économie en général. Le gouvernement doit agir.
Le gouvernement doit agir et protéger les employés—Amazon doit répondre de ses actes
Cette décision d’Amazon de fermer ses opérations au Québec crée un dangereux précédent. Si Amazon peut abandonner des milliers de travailleurs sans aucune conséquence, qu’est-ce qui empêchera d’autres multinationales de faire la même chose ?
Il s’agit ici de défendre les valeurs du Québec et du Canada contre la logique du profit à tout prix d’une gigantesque entreprise étrangère. Amazon est venu ici, a exploité des travailleurs, a encaissé l’argent des contribuables, et part maintenant sans être tenu responsable de ses actions —c’est inacceptable.
Ce manque de prévisibilité et de respect pour les travailleurs est peut-être une pratique courante aux États-Unis, mais ce n’est pas comme ça que nous faisons les choses ici. Au Québec et au Canada, il y a des valeurs d’équité, d’égalité et de respect qui dignifient et protègent tous les travailleurs. Toutes ces valeurs qu’on connaît dans le monde du travail sont le résultat de luttes passées et ce licenciement massif met ces gains à terre.
Permettre à Amazon de traiter les travailleurs du Québec comme du personnel jetable, c’est laisser les entreprises étrangères imposer leurs règles à notre économie. Beaucoup d’entreprises au Québec et au Canada sont étrangères. Nous, les travailleurs d’Amazon, sommes des lanceurs d’alerte involontaires —ce qui nous arrive aujourd’hui pourrait arriver à d’autres si rien n’est fait.
Pour nos gouvernements, cette occasion les oblige à envoyer un message clair et ferme: ‘’des licenciements de cette ampleur, sans considération pour les travailleurs, ne seront pas acceptés ni tolérés.’’ L’économie québécoise ne doit pas être à la merci de multinationales étrangères qui n’ont aucune loyauté envers les travailleurs qui génèrent leurs profits.
Pour des milliers d’employés d’Amazon—incluant des demandeurs d’asile, des étudiants internationaux et des familles qui dépendent de ces revenus—ce travail n’est pas juste un emploi, c’est une question de survie. Ils ne peuvent pas être laissés sans défense face à l’avidité des grandes entreprises.
Cette lutte dépasse la question de l’emploi—c’est une question de justice, de dignité et d’avenir.
Les travailleurs d’Amazon ont subi des taux élevés de blessures, souvent pas reconnus par l’entreprise avec de nombreux employés souffrant de problèmes de santé à long terme. Cette fermeture massive confirme le mépris total d’Amazon envers ceux qui ont construit son succès. L’entreprise part sans prendre la moindre responsabilité pour les ravages qu’elle laisse derrière elle.
Nous, les travailleurs jetables d’Amazon, refusons de laisser Amazon abandonner les travailleurs du Québec. Nous refusons de laisser le gouvernement rester silencieux.
? Nous appelons toutes les citoyennes et citoyens à contacter leurs représentants politiques à tous les niveaux (députés provinciaux et fédéraux, maires, ministres du Travail et de l’Industrie). Exigez qu’ils prennent position et qu’ils agissent pour empêcher qu’Amazon s’en tire sans conséquences.
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