POINT DE VUE / Au Québec, l’immigration est devenue un outil électoral. La Coalition avenir Québec (CAQ) et le Parti québécois (PQ) rivalisent pour présenter les nouveaux arrivants comme un fardeau à contenir.
Quand la CAQ suspend le parrainage familial, coupe dans l’aide sociale aux demandeurs d’asile et met fin à un projet pilote de régionalisation, il ne s’agit pas de gestion rigoureuse. C’est un calcul politique qui fragilise délibérément les personnes vulnérables et instrumentalise la peur.
Le PQ n’est pas en reste: il réclame une réduction draconienne des seuils et insinue que la criminalité juvénile a «des racines immigrantes».
Pendant ce temps, les chiffres officiels montrent une baisse des nouvelles demandes d’asile. Autrement dit, il n’y a pas de crise incontrôlable: il y a des partis politiques qui fabriquent l’illusion d’une crise pour engranger des votes.
Les conséquences sont concrètes.
Le projet pilote de régionalisation dans la Capitale-Nationale offrait un accompagnement de proximité: suivi social, soins de santé, orientation vers les ressources appropriées.
Sa suppression a entraîné la perte de quatre postes d’infirmières et de quatre postes de travailleuses sociales. Résultat: moins de services pour des personnes déjà vulnérables. Est-ce vraiment ce que nous voulons comme société?
Lorsque les services de proximité disparaissent, les besoins des personnes vulnérables ne s’effacent pas pour autant. Faute d’alternatives, elles se tournent vers les urgences, les cliniques sans rendez-vous ou les organismes communautaires, qui ne disposent ni des ressources ni du financement nécessaire pour répondre adéquatement à leurs besoins.
Ces choix produisent des effets prévisibles :
- Plus d’insécurité alimentaire et de recours aux banques alimentaires.
- Retards de suivi médical et psychosocial, menant à des hospitalisations évitables et coûteuses.
- Pression accrue sur l’hébergement d’urgence et les services communautaires.
- Trajectoires d’intégration compromises, au détriment de la société d’accueil.
Au sein même du CIUSSS de la Capitale-Nationale, les trajectoires de soins sont fragmentées. Le guichet d’accès à la première ligne (GAP) n’offre que rarement des services d’interprétation. Les usagers ne comprennent donc pas les consignes d’orientation adéquatement.
Les Groupes de médecine familiale (GMF) inscrits reçoivent des fonds via le Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI) pour les consultations, mais n’offrent pas de services d’interprétation. On facture donc la consultation sans en garantir sa compréhension.
De plus, cette situation va à l’encontre de la Stratégie nationale de prévention en santé 2025-2035. Le gouvernement dit vouloir réduire les inégalités et favoriser l’accès précoce aux soins. Dans les faits, les coupes fragilisent les ressources et retardent les suivis. Réduire l’aide sociale ou abolir des projets de soutien de proximité ne prévient rien: cela crée des complications coûteuses.
Nos demandes sont simples:
- Rétablir le financement du projet pilote et consolider les postes supprimés
- Annuler les coupes aux prestataires d’aide sociale.
- Mettre en place un mécanisme de suivi indépendant pour évaluer l’impact des mesures.
- Garantir un accès effectif au Programme fédéral de santé intérimaire et aux cliniques de première ligne.
Ces coupures n’entraînent aucune économie réelle: elles ne font que transférer les coûts vers des services plus onéreux et inadaptés. Elles fragilisent la santé publique, alourdissent la charge de travail des professionnels et freinent l’intégration des nouveaux arrivants.
Le gouvernement doit assumer un véritable leadership. L’immigration n’est pas une diversion électorale ni un terrain de jeu idéologique. C’est une responsabilité collective. Elle engage notre santé publique, notre cohésion sociale et notre réputation comme société d’accueil.
Lien de l’article publié : https://www.lesoleil.com/opinions/point-de-vue/2025/10/26/le-gouvernement-choisit-lexclusion-avec-les-coupes-aux-demandeurs-dasile-2YQ6WGYTP5DEZCBJ7HGWHOPSAA/
Signataires:
- Lise Albert, infirmière clinicienne
- Stéfanie Barette, infirmière clinicienne
- Marie-Maude Cossette, infirmière clinicienne
- Marie-Hélène Domingue, infirmière clinicienne
- Maritza Lainez-Chiasson, infirmière clinicienne
- Florance Robitaille, infirmière clinicienne
- Caroline Terroux Sevigny, infirmière clinicienne
- Alexandra Touloumis, infirmière clinicienne
- Geneviève Thibault, Travailleuse sociale
- Marie-Ève Fournier, Travailleuse sociale
- Marilyn Baxter, Travailleuse sociale
- Marie-Ève Leblanc, Travailleuse sociale
- Martine Ruel, Travailleuse sociale
- FIQ – Syndicat des professionnelles en soins de la Capitale Nationale (SPSCN)
- Syndicat des professionnels, techniciennes et techniciens de la santé et des services sociaux (SPTSSS)
- Syndicat des Travailleuses et Travailleurs du CIUSSS de la Capitale Nationale (SST)
- Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (RGF)
- La Fédération des femmes du Québec (FFQ)
- Carrefour d’action interculturelle (CAI)
- Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TRCI)
- Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI)



Les commentaires sont fermés.