Oct 11

La jungle des agences de placement temporaire

 

La jungle des agences de placement temporaire

Dans le cadre de la Journée mondiale du travail décent, des représentants de plusieurs organismes et centrales syndicales se sont rassemblés devant le bureau de la ministre du Travail, Lise Thériault, pour dénoncer les abus des agences de placement et les pratiques antisyndicales.

Photo : Annik MH De Carufel – Le Devoir
Dans le cadre de la Journée mondiale du travail décent, des représentants de plusieurs organismes et centrales syndicales se sont rassemblés devant le bureau de la ministre du Travail, Lise Thériault, pour dénoncer les abus des agences de placement et les pratiques antisyndicales.
Plus de 175 organismes demandent au ministère du Travail d’encadrer plus sévèrement les agences de placement temporaire, à qui ils reprochent de contourner les normes du travail.

Il y a trois ans, Vivian Medina, 38 ans, a quitté le Mexique pour s’établir au Québec. Pour se trouver rapidement un emploi, elle s’est tournée vers des agences de placement temporaire. Ses conditions de travail ne ressemblaient en rien à ce qu’elle était en droit d’obtenir. «On travaillait comme des animaux», raconte-t-elle. Salaire inférieur au minimum permis, journées de travail de 21 heures sans compensation pour les heures supplémentaires, et un travail généralement payé au noir. «Si tu montres des papiers et un numéro d’assurance sociale, on te dit: “non, non, ici, c’est en dessous de la table”», raconte la femme.

Les agences illégales comme celles qui ont employé Mme Medina peuvent fermer du jour au lendemain, sans laisser de traces, et parfois sans payer leurs employés. «Ces agences emploient surtout des immigrants, explique Aadi Ndir, du Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (CTI), qui est lui-même passé par là. Elles savent qu’ils sont souvent illégaux. Ils parlent mal la langue, ils n’ont pas d’expérience de travail canadienne et ils connaissent mal leurs droits. Ils portent rarement plainte.»

C’est pour mettre fin à de telles pratiques que l’organisme de défense des travailleurs non syndiqués Au bas de l’échelle (ABE) et le CTI ont lancé une campagne de sensibilisation pour la protection des droits des travailleurs d’agence. «Il faut que le gouvernement encadre les agences de placement temporaire», déclare Carole Henry, porte-parole d’ABE. Hier, les deux organismes ont organisé un rassemblement devant les bureaux de la ministre du Travail, Lise Thériault, au centre-ville de Montréal. Ils lui ont transmis une pétition endossée par 175 organismes québécois. Les centrales syndicales, ainsi que le parti Québec solidaire, appuient leurs revendications. Cette manifestation s’inscrivait dans le cadre de la Journée mondiale pour le travail décent, lors de laquelle plus de 400 actions ont eu lieu dans 70 pays, pour dénoncer le travail précaire.

Les agences légales aussi visées

En 2008, on dénombrait 1200 agences de placement temporaire au Québec, dont le total des revenus dépassait 1 milliard de dollars. Ces agences fournissent des employés à des entreprises dans plusieurs domaines: manufactures, usines, entretien ménager, cueillette de fruits, etc. Selon Mme Henry, le recours aux travailleurs temporaires est en croissance au Québec. «Les entreprises remplacent des postes permanents syndiqués par des postes temporaires pour éviter de payer des avantages sociaux», affirme-t-elle.

Les agences illégales ne sont pas les seules visées par la campagne d’ABE et du CTI. Mme Henry explique que plusieurs agences légales — qui respectent le salaire minimum et ne paient pas au noir — contournent aussi les normes du travail. «Souvent, ce n’est pas clair qui est l’employeur entre l’agence et l’entreprise, explique Mme Henry. Selon qui est considéré comme l’employeur, l’employé aura des droits ou non.» La présidente d’ABE cite en exemple les difficultés à se faire payer les heures supplémentaires. «Si l’agence est l’employeur, elle peut dire qu’elle n’a jamais autorisé les heures supplémentaires et refuser de payer.» À la Commission des normes du travail, le porte-parole, Jean-François Pelchat, admet qu’il n’est pas toujours simple d’établir qui est le véritable employeur. «On y va au cas par cas», dit-il, en précisant que «les normes minimales doivent toujours être respectées».

Mme Henry reproche aussi à certaines agences de procéder à des congédiements déguisés. Selon elle, si un travailleur porte plainte, ou encore si une femme tombe enceinte, l’agence peut cesser de l’employer sans le congédier formellement. «On va simplement lui dire, on n’a pas d’affectation pour toi, et ça peut durer des mois», dit la présidente d’ABE. M. Pelchat confirme qu’il est «difficile» pour un travailleur temporaire d’exercer un recours dans ce genre de situation.

Suivre l’exemple des autres provinces

L’organisme Au bas de l’échelle adresse deux revendications au ministère du Travail: l’établissement d’un principe de coresponsabilité entre les agences de placement et leurs entreprises clientes, ainsi que l’obligation pour les agences de se procurer un permis d’opération, qui doit être renouvelé annuellement. Plusieurs provinces et territoires canadiens appliquent déjà de telles mesures. Pour obtenir un permis, ces agences doivent notamment fournir une garantie de solvabilité, un registre des employés et des entreprises clientes, la liste des affectations et des rémunérations versées, et un exemplaire du contrat d’embauche des travailleurs temporaires. Les entreprises qui enfreignent les règlements s’exposent à des pénalités pouvant atteindre 50 000 $.

Les représentants d’Au bas de l’échelle ont rencontré le ministère du Travail à quelques reprises depuis 2005. Le ministère attend les recommandations du Comité consultatif du travail et de la main-d’oeuvre avant de prendre des mesures.

Related Posts

Quebec Declares War on Workers: IWC Denounces Anti-Labour Bill 89

89 as an outright attack on working-class power and a gift to corporate bosses. Passed in defiance of mass opposition, this legislation criminalizes collective resistance, muzzles strike action, and threatens every worker’s basic human right to organize and fight back. “This is class warfare. Bill 89 isn’t reform — it’s repression,” said Mustafa Hanawi, community organizer with the IWC. “Immigrant and precarious workers are being pushed further into silence, exploitation,... Read more →

Mass Protest Shuts Down CANSEC Over Israel-Gaza Genocide Allegations

Ottawa,  Hundreds of demonstrators have blocked access to CANSEC, North America’s largest weapons and military technology expo, in protest against what they call Canadian complicity in the ongoing genocide in Gaza. The protesters gathered early this morning at the entrances of the EY Centre in Ottawa, confronting delegates from Canadian and Israeli arms companies and military officials. Their message: end the arms trade that enables mass atrocities. Among the demonstrators... Read more →

Status for All: Migrant Women Resist Invisibility and Demand Dignity

As part of the World Social Forum of Intersections (FSMI), the Committee for Human Rights in Latin America (CDHAL) and the Women’s Committee of the Immigrant Workers Centre (IWC/CTTI) came together to organize a powerful workshop on a reality that is too often ignored: the lives of undocumented women in Canada. To be a woman, a migrant, racialized… and without status.What does it mean to live through this triple marginalization... Read more →

Chicoutimi hosts awareness evening on migrant labour issues

Chicoutimi, May 28, 2025 — This Wednesday at 6:30 p.m., the Marguerite-Tellier Hall at the Chicoutimi Library will host an evening of information and reflection on the realities faced by migrant workers in Canada. Organized in collaboration between Amnesty International Canada Francophone and the Immigrant Workers Centre (IWC-CTTI) of Saguenay–Lac-Saint-Jean, the event aims to shed light on systemic injustices experienced by thousands of migrant workers. On the program: Introduction to... Read more →